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Guerre au Proche-Orient : au-delà du fracas des armes

En tuant, le 27 septembre, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, au cours d’une frappe massive dans la banlieue sud de Beyrouth, qui a fait également des victimes civiles, Israël a parachevé son entreprise de décapitation de la milice chiite menée opiniâtrement depuis des mois. Il est probablement prématuré d’en conclure que sa puissance de feu, alliée à la capacité de pénétration de ses services de renseignement, a signé l’acte de décès du bras armé de l’Iran au Liban. Ce dernier est néanmoins considérablement diminué, et sans doute pour longtemps.
Dans le réduit de Gaza où il a trouvé refuge, le chef du Hamas, Yahya Sinouar, peut mesurer l’effondrement des calculs qui l’avaient poussé à déclencher l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, marquée par les pires massacres d’Israéliens de l’histoire de l’Etat hébreu. Sa milice a été en bonne partie broyée par une offensive israélienne d’une brutalité sans précédent, au mépris du droit humanitaire, au prix de dizaines de milliers de victimes palestiniennes. Elle a fait de l’étroite bande de terre un champ de ruines. L’« axe de la résistance » anti-israélien sur lequel il misait est affaibli comme jamais. La société israélienne, enfin, n’a pas été emportée par ses divisions pourtant réelles, notamment sur l’urgence de conclure un cessez-le-feu pour parvenir à libérer les derniers otages en vie, toujours détenus à Gaza.
Alors qu’une offensive terrestre israélienne peut encore être évitée au Liban, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a le pouvoir de se présenter, à cet instant, en vainqueur de cette épreuve de force, sans jamais avoir eu à rendre de comptes, pourtant indispensables, sur les choix qui avaient conduit à la tragédie du 7 octobre 2023. L’histoire du conflit israélo-palestinien montre pourtant que les victoires militaires n’ont jamais pu remplacer une absence de vision, et cette dernière est plus criante que jamais.
Il y a quatre décennies, l’armée israélienne était déjà parvenue à chasser une milice du sud du Liban. Il s’agissait de celle de l’Organisation de libération de la Palestine. On sait ce qu’il advint ensuite. La guerre à Gaza, de très loin la plus meurtrière et la plus dévastatrice de l’histoire de ce territoire, est la quinzième conduite par Israël depuis 1948.
L’affaiblissement des milices qui jurent la perte d’Israël offre pourtant une opportunité : celle de prendre enfin en compte les droits légitimes des Palestiniens à l’autodétermination sans qu’ils puissent être immédiatement niés au nom de menaces présentées ou ressenties comme existentielles. Cela passe évidemment par une remise en cause des représentants des Palestiniens, plus nécessaire que jamais : le Hamas doit répondre des choix qui ont précipité le désastre et semé la mort à Gaza ; le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, tragiquement muet aux pires heures vécues par son peuple, doit s’effacer.
La coalition au pouvoir en Israël est incapable de s’engager dans cette voie. Les alliés de l’Etat hébreu doivent en tirer les conséquences et cesser de la considérer comme un partenaire duquel rien ne doit jamais être exigé. Les Israéliens, enfin, doivent mesurer ce que représenterait la normalisation avec leurs voisins arabes – pas seulement avec les régimes autoritaires et brutaux qui prétendent les représenter –, que permettrait le compromis territorial trop longtemps esquivé. Depuis des décennies, deux camps s’accusent mutuellement de ne jamais perdre une occasion… de perdre une occasion. Qui osera briser cette malédiction ?
Le Monde

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